Faire au lieu de dire

 

Le tissu et la teinture portent en eux la mémoire des plantes. Pour Parmeet Kaur-Tesson, ils sont aussi un fil spirituel, tendu vers son pays natal, l’Inde, et vers sa famille. Son grand-père, tisserand et teinturier, lui a transmis l’héritage des couleurs, en particulier celui du bleu profond de l’indigo. Lorsqu’elle n’avait que sept ans, il souhaitait déjà la voir rester en Inde, attachée à cette terre. Ce souvenir, à la fois tendre et exigeant, l’accompagne encore aujourd’hui.

À travers le travail de la matière textile, Parmeet cherche à transformer la mémoire sans l’effacer, à honorer la terre tout en dialoguant avec elle. C’est une façon de relier l’Inde à la France, son pays d’adoption. Son regard se tourne aussi vers les champignons, vers le mycélium : non seulement un ingrédient, mais une forme de médecine, un soin vivant offert par la nature.

 

Pour Anja Madsen-Pernot, c’est le papier qui tient ce rôle fondateur. Depuis son enfance au Danemark, il est son compagnon de jeu et de création : poupées, jouets, découpages… autant de gestes simples qui nourrissent aujourd’hui encore son inspiration. Matière humble et multiple, le papier permet d’explorer sans fin, d’inventer en se liant à d’autres techniques. Issu du bois ou du tissu, il prolonge lui aussi le cycle naturel.

 

La rencontre entre Parmeet et Anja a eu lieu à Cognac, en Charente, où elles vivent toutes deux. Elles y ont reconnu des affinités profondes : l’amour de la nature, l’attention aux matières végétales, à la terre. « Son être m’inspire », dit Anja à propos de Parmeet. « Anja est un miroir », confie Parmeet. Leurs matières respectives – textile et papier – se rejoignent : fragiles et solides à la fois, elles se plient, se transforment, se transmettent.

 

Le projet qu’elles imaginent pour CHABRAM2 s’inscrit dans cette alchimie. Elles veulent donner vie au papier à travers le mycélium, comme une respiration nouvelle, une manière de purifier l’air et de régénérer nos lieux de vie. Cette recherche, encore à ses débuts, promet mille découvertes. Elle évoque un cycle infini, un anneau de Möbius où la fin rejoint le commencement, une énergie cosmique telle que la nomment les Indiens : Brahmanda, le souffle vital de l’univers.

 

Le lieu lui-même nourrit leur démarche. CHABRAM2, ancienne école portée par un projet pédagogique novateur, plaçait déjà la terre et l’inspiration au cœur de son enseignement. Y travailler aujourd’hui, c’est renouer avec cette vision : une école transformée en centre d’art, dernier espace de résilience où l’art devient une promesse de transmission.

 

Nathalie Viot

Septembre 2025